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décembre 2007 |
«J'ai porté la tête haute, et j'ai si bien regardé les gens en face
qu'ils détournaient les yeux. Mais c'est dur. D'ailleurs, la majorité
des gens ne regardent pas. Deux gosses dans la rue nous ont montrées du
doigt en disant : «Hein ? T'as vu ? Juif.» Mais le reste s'est passé
normalement. Je suis repartie pour la Sorbonne ; dans le métro, encore
une femme du peuple m'a souri. Cela a fait jaillir les larmes à mes
yeux, je ne sais pourquoi.»
«Pourquoi suis-je si inquiète ?
Objectivement, il y a de quoi, parce que j'ai l'impression que nous
sommes la dernière fournée, et que nous ne passerons pas entre les
mailles du filet. Il ne reste plus beaucoup de juifs à Paris ; et comme
ce sont les Allemands qui font les arrestations maintenant, il y a peu
de chances d'y échapper, parce que nous ne serons pas prévenus.»
D'avril 1942 à février 1944, cette jeune fille française a tenu son
journal au jour le jour. Un texte d'une qualité littéraire
exceptionnelle, où se mêlent l'expérience quotidienne de l'insoutenable
et le monde rêvé des lettres, où alternent à chaque instant l'espoir et
le désespoir.
Ses derniers mots, le 15 février 1944, «Horror !
Horror ! Horror !», sont un pressentiment de l'inéluctable. Arrêtée le 8
mars 1944, elle est déportée à Auschwitz avec son père et sa mère. Elle
survit presque jusqu'au bout à l'épreuve, succombant à l'épuisement à
Bergen-Belsen en avril 1945, quelques semaines avant la libération du
camp.
Télérama